Tous les portraits

Cette rubrique présente les portraits sonores réalisés par 4 promotions successives d’étudiants dans le cadre de l’Atelier musicologique L3.

Les étudiants travaillent par groupe à une série d’exercices. Ils commencent par mener une prospection pour identifier des musiciens ou musiciennes à interroger, en s’aidant de différents outils : internet, les réseaux sociaux, des catalogues d’artistes, des annuaires d’associations, le « bouche à oreille » , des rencontres plus ou moins fortuites faites dans la rue, des restaurants et cafés… Une fois un contact établi, ils se documentent sur le musicien ou la musicienne (lorsqu’il est possible de trouver des informations sur internet), sur sa pratique et les répertoires qu’elle joue. Ils conviennent d’un rendez-vous, à domicile lorsque cela est possible, puis réalisent un entretien biographique : « une heure minimum », selon le cahier des charges – de 30 minutes à 3h30 dans les faits. Sur la base de ces entretiens, ils doivent réaliser un portrait sonore, respectant le format impitoyable imposé par les enseignants : 6 à 7 minutes, un texte de 5 lignes, une photographie. Il s’agit du premier « livrable » rendu à mi-semestre, que l’on trouvera dans cette rubrique...

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L’ensemble de ces portraits sonores dessine un corpus éclectique qui n’a pas vocation à être représentatif. Et pour cause, aucune cohérence n’est posée a priori au moment de la prospection : ou en tout cas, pas sur la base d’un mode de transmission (musique de tradition orale), d’une aire géographique prédéfinie ou d’un domaine de spécialité de la musicologie (musique de tradition savante occidentale, jazz etc). On trouve ici des musiciens et musiciennes formés de manière orale, au contact de figures rencontrées en France ou dans les pays où ils ont vécu ou séjourné, aussi bien que d’autres qui sont passés par des écoles ou conservatoires, d’autres encore qui se sont nourris essentiellement par le biais d’enregistrements et de supports écrits. Certains se sont spécialisés dans un répertoire très circonscrit alors que d’autres parcourent de manière assez libre divers répertoires d’un pays et d’une aire culturelle. Le seul fil directeur est celui de l’exploration de trajectoires de mobilités : mobilités de répertoires (pour des musiciens qui se sont pris de passion pour divers styles musicaux du Brésil, sans que cette passion soit reliée à une histoire familiale ou à une mobilité personnelle) aussi bien que de musiciens nés en France ou ailleurs, marqués par leur histoire familiale ou par des rencontres et découvertes faites plus tard, sources de nouveaux attachements qui les portent vers divers lointains : des ailleurs mais aussi, de manière parfois connexes, des pratiques « anciennes », ou des expérimentations sonores.

Dans « ce grand désordre de l’expérience esthétique » (pour reprendre une expression du sociologue Jean-Louis Fabiani), les étudiants peuvent toutefois s’accrocher à un procédé fiable d’enquête : l’étude de cas, adossée ici à un entretien biographique. Celui-ci invite à réfléchir à l’échelle d’un individu à la manière dont une pratique musicienne se forge dans le temps, au gré de multiples facteurs : des appartenances, des prédéterminations sociales ou culturelles, des rencontres et expériences marquantes, des choix faits de manière plus ou moins consciente par la personne interrogée ou par celles dont elle dépend. Chaque récit est le produit d’une interprétation portée a posteriori sur cette imbrication complexe entre des facteurs humains et non humains, entre ce qu’il ou elle a choisi et ce qui lui est arrivé au fil de son parcours. Ces trajectoires amènent à questionner le décalage entre la connaissance fine acquise au fil de ces processus d’apprentissage et les catégories usuelles (« musique des Balkans », « musique brésilienne »). Elles soulèvent aussi, bien souvent, la délicate question de « l’authenticité ». Sur la base de cet entretien, qu’ils croisent avec d’autres sources, les étudiants rédigent un récit d’enquête qui doit rendre compte de cette trajectoire, de la manière dont est construit ce récit (la narration), la manière dont s’est déroulée la rencontre et les éventuels malentendus ou discussions qui ont pu émerger sur l’enregistrement, sur la notion de « musicien », sur « l’ethnomusicologie »… Ce compte-rendu est le second travail rendu par les étudiants : non destiné à être publié, nous en reproduisons ici quelques extraits choisis .

Talia Bachir-Loopuyt

© D'ici et D'ailleurs - 2023
Histoires de musicien.ne.s en région Centre